vendredi 2 mai 2008

Un bouclier anti-missiles en Turquie avec des armes russes ou américaines ?

Il n’y pas que l’Europe centrale qui pourrait être dotée d’un bouclier antimissile, la Turquie pourrait avoir son propre parapluie. Mais Ankara hésite entre des armes américaines ou… russes.

Le département industriel du ministère de la défense turc a annoncé sa volonté de doter la Turquie d’un système anti-missiles en deux temps.

Dans un premier temps, il s’agira de 4 installations, deux à Ankara et deux à Istanbul.

Dans un second temps, quatre autres installations seront établies en fonction de la nature et de l’origine de la menace. Le dispositif serait mis en route à partir de 2010.

Les autorités militaires turques hésitent entre trois systèmes de défense. Soit les Patriot américains ; soit les S-300 ou S-400 russes, soit les Arrow-2 israéliens, rapporte l’agence Azeri Press.

La coopération turco-américaine est ancienne, bilatérale ou dans le cadre de l’OTAN. Inutile de revenir dessus. Washington avait annoncé en mars par la voix du porte-parole du Pentagone Geoff Morrel que le secrétaire d’Etat à la défense, Robert Gates a discuté avec les responsables turcs, lors de sa visite en février 2008 à Ankara, le programme d’un parapluie américain en Turquie. Le Lieutenant Général de l’US Air Force Henry Obering et directeur de l’agence de défense antimissile du Pentagone, était allé dans le même sens en déclarant qu’un système de radar et d’installations de missile serait placé en Europe orientale, probablement en Turquie.
La Turquie a démenti, suivi quelques jours plus tard par Kathryn Schalow, l’attachée de presse de l’ambassade américaine en Turquie. Robert Gates et son homologue turc ont évoqué ce point sommairement. L’essentiel de leur entretien, poursuit-elle, était consacré au bouclier antimissile en Europe et à l’offensive turque en Irak contre les camps du PKK.

Ce qui est surprenant dans la dépêche de l’agence azérie, ce n’est pas la coopération des Turcs avec les Américains et leurs alliés israéliens. C’est la montée en puissance des relations multivectorielles avec la Russie.

Ennemies hier, partenaires aujourd’hui, la Turquie et la Russie entretiennent de bonnes relations depuis quelques années. Au point que l’on parle d’une convergence en mer Noire pour maintenir un statu quo dans la résolution des conflits gelés. La Turquie dépend en partie de l’électricité et du gaz russe, à hauteur de 80%. La Turquie devient une plaque tournant énergétique, puisque outre le Blue Stream (gazoduc en provenance de Russie), Ankara est alimentée par les pipelines Bakou-Tbilissi-Erezroum (gazoduc dont l’inauguration devrait avoir lieu en 2008) et Bakou-Erzeroum-Ceyhan (BTC, oléoduc).

La Turquie devient une nouvelle terre de villégiature pour les Russes issus des couches aisées. Plus de 3 millions de touristes russes sont attendus en Turquie en 2008. En 2002, ils étaient 950 000. En 2007, ce chiffre est passé à 2,5 millions de personnes.

Sur le plan militaire, la coopération date de la fin de l’URSS. On se souvient que la Turquie s’était fournie en hélicoptères Mi-17 (19 unités), en blindés BTR-60 et chars T-80. C’était au début des années 1990, quand l’OTAN avait refusé de livrer de l’armement à Ankara pour grave violation des droits de l’homme.

Dix-huit plus tard, le géant de l’armement russe, Rosoboronexport a obtenu la signature d’un contrat avec la Turquie sur la livraison de systèmes antichars et de 800 missiles antichars. Les sociétés américaines Raytheon et israélienne Rafael étaient en concurrence. Elles ont perdu. Le montant du contrat n’est pas connu. On parle de 80 millions de dollars mais on ne sait pas à quelle quantité de matériel ce montant est associé.

Détail à prendre en compte : ce matériel russe avait permis au Hezbollah - client de la Syrie, elle-même en possession de missiles russes – de détruire 46 chars et 15 véhicules blindés israéliens lors de la guerre en juillet 2006. Ce qui avait détérioré les relations entre la Russie et Israël.

La coopération russo-turque est aussi maritime. Les marines des deux Etats ont participé à des exercices conjoints « Harmonie de la mer Noire » en avril. Le navire anti-sous-marin Kassimov devait ensuite se rendre à Istanbul et Ergeli. Il s’agit de la troisième manœuvre maritime russo-turque dans le cadre de la BlackSeaFor, cette force multilatérale des pays riverains de la mer Noire.