Après les projets soutenus par les Occidentaux (BTC, BTE prochainement), la Russie ne serait-elle pas en train de contre-attaquer sur le front énergétique ? La guerre des Cinq jours dans le Caucase n’est-elle pas le premier pas d’une nouvelle configuration du Caucase du Sud, avec cette foi-ci l’Iran et la Russie au centre du jeu… Avec toute la prudence qui s’impose et sans spéculation, il est possible à cette heure et eu égard aux informations en possessions d’avancer deux hypothèses complémentaires…
Depuis la guerre contre la Géorgie, les pipelines défendus pas les Occidentaux sont fragilisés mais fonctionnent ; et rien n’indique qu’il cesseront d’exister. Or, la route est vulnérable et l’affaiblissement de la Géorgie montre que le Caucase du Sud n’a plus de pivot régional. Et un Caucase du Sud sans pivot, c’est une « région » fragmentée au seul bénéfice de la Russie.
Au-delà de la guerre entre la Russie et la Géorgie, d’autres événements importants se sont produits dans cette région sensible : le rapprochement entre la Turquie et l’Arménie ; la normalisation entre la Russie et l’Azerbaïdjan ; la plus forte présence de l’Union européenne dans la région ; le renforcement des liens entre la Russie et l’Iran et les couacs dans les relations entre les Etats-Unis et l’Azerbaïdjan.
Si les hydrocarbures n’ont pas été la cause directe du conflit en Ossétie du Sud, la question énergétique reste la toile de fond des problèmes régionaux. Cette démonstration de puissance russe entraîne dans son sillage le renforcement de ses alliances et partenariats, à commencer avec l’Arménie et l’Iran, deux Etats proches de Moscou.
Deux hypothèses se complètent et peuvent en cas de réalisation changer la donne régionale et transformer l’évolution du Caucase du Sud mais aussi la carte énergétique mondiale, avec un effet sur la sécurité et la paix dans le monde.
Hypothèse 1 : un rapprochement entre la Russie, l’Azerbaïdjan et l’Iran. L’Azerbaïdjan n’a qu’une ambition : devenir un territoire de transit en hydrocarbures car elle se sent fragile en termes de volume des réserves prouvées. La route caspienne est fermée : la Russie empêche tout projet transcaspien et l’impasse sur le statut de la mer Caspienne interdit tout plan de développement régional. Bakou n’a qu’un choix se tourner vers la Russie et l’Iran.
L’Iran cherche à écouler ses hydrocarbures en direction du nord, par le Caucase. Pris en tenaille à l’ouest (Irak) et à l’est (Afghanistan), Téhéran voit dans la porte de secours du Caucase le moyen le plus rapide de gagner les marchés européens pour acheminer son pétrole et son gaz. La route azérie lui permettrait également de « tenir » ce voisin du nord dont l’excès de puissance peut se révéler un handicap pour l’intégrité de l’Iran (question du Haut-Karabakh et question de la minorité azérie en Iran, de 14 à 17 millions de personnes).
Quant à la Russie, elle est favorable à tous les projets qui transitent par son territoire. Ainsi, Russes, Azéris et Iraniens auraient un intérêt commun à sceller des partenariats énergétiques le long de la Caspienne jusqu’à la mer Noire et l’Europe dans son ensemble. Il existe déjà un projet - aujourd’hui finalisé - de construction d’une ligne de chemin de fer reliant les trois Etats. Pourquoi pas des pipelines…
Hypothèse 2 : un rapprochement entre la Turquie, la Russie et son allié arménien et l’Iran. Peu ont vu dans le rapprochement arméno-turc une volonté russe de s’investir dans la normalisation entre ces deux Etats ennemis et la réouverture d’une frontière qui pour l’instant n’intéressait qu’Européens et Américains. Depuis un an, la Russie suit de très près cette affaire. Elle a poussé le président arménien, Serge Sarkissian à lancer, fin juin 2008, à partir de Moscou, l’invitation adressée à son homologue turc, Abdullah Gül, de venir assister au match de football Arménie-Turquie, à Erevan, le 6 septembre dernier. La rencontre a eu lieu : Abdullah Gül est resté six heures à Erevan.
La Turquie entretient d’excellentes relations économiques et énergétiques avec la Russie et l’Iran (récente visite du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad à Ankara). Ankara accentue sa diplomatie d’autonomisation à l’égard des Etats-Unis et marque sa différence avec ses alliés américains et israéliens dans la région. Elle prouve aussi que la paix régionale passe par chez elle : conflit israélo-palestinien, tension syro-israélienne, rapprochement avec l’Iran, rencontre Gül-Sarkissian à Erevan, une deuxième entrevue est prévue à New York, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU fin septembre, proposition d’une plateforme pour la stabilité et la sécurité dans le Caucase du Sud. Sans oublier que débloquer la situation avec l’Arménie renforce le poids de la Turquie à Bruxelles dans le cadre des négociations d’intégration. Bref, le rapprochement entre la Turquie et l’Arménie d’un côté, puis les bonnes relations entre l’Arménie et l’Iran ou encore la Russie, l’Arménie et l’Iran de l’autre peuvent déboucher sur des projets communs via Erevan et Ankara. Les Russes ayant le monopole du parc énergétique arménien et étant le principal client d’Erevan, l’économie et la diplomatie de l’Arménie sont totalement dominées par la Russie. Autrement dit, l’Arménie consolide son statut de poste avancé de la Russie dans la région.
Si ces deux hypothèses venaient à se renforcer dans les mois ou années qui viennent, tous les acteurs locaux seraient gagnants sauf la Géorgie et les Etats-Unis, les grands perdants dans la guerre des Cinq jours. La Russie renforcerait de façon irréversible ses liens avec l’Iran dans le Caucase du Sud mais aussi avec la Turquie. L’Arménie deviendrait un territoire de transit sous contrôle russe. Idem pour la Turquie, nouvelle plaque tournante énergétique mondiale. D’où peut-être une réelle et concrète bonne raison de poursuivre le dialogue avec l’Arménie entamé le 6 septembre, sans mettre l’accent sur le passé (génocide) et la question du Haut-Karabakh. L’Azerbaïdjan serait également satisfaite de son rang de territoire de transit. Quant à l’Iran, elle verrait ses hydrocarbures gagner l’Europe et pourrait obtenir de la Russie le gel de nouvelles sanctions au Conseil de sécurité de l’ONU en rapport avec son programme nucléaire. L’Union européenne, justement, pourrait à terme bénéficier de la livraison de pétrole et gaz iraniens, manière de diversifier ses approvisionnements en hydrocarbures. Bruxelles pourrait également renforcer sa présence en Turquie en apportant sa contribution au déblocage des relations entre l’Arménie et la Turquie.
Reste la question du Haut-Karabakh… Pour l’instant, rien n’a changé. Place d’abord au renforcement des projets économiques et peu à peu, graduellement peut-être, la feuille de route de la paix entre Arméniens et Azéris pourrait s’appliquer.
Depuis la guerre contre la Géorgie, les pipelines défendus pas les Occidentaux sont fragilisés mais fonctionnent ; et rien n’indique qu’il cesseront d’exister. Or, la route est vulnérable et l’affaiblissement de la Géorgie montre que le Caucase du Sud n’a plus de pivot régional. Et un Caucase du Sud sans pivot, c’est une « région » fragmentée au seul bénéfice de la Russie.
Au-delà de la guerre entre la Russie et la Géorgie, d’autres événements importants se sont produits dans cette région sensible : le rapprochement entre la Turquie et l’Arménie ; la normalisation entre la Russie et l’Azerbaïdjan ; la plus forte présence de l’Union européenne dans la région ; le renforcement des liens entre la Russie et l’Iran et les couacs dans les relations entre les Etats-Unis et l’Azerbaïdjan.Si les hydrocarbures n’ont pas été la cause directe du conflit en Ossétie du Sud, la question énergétique reste la toile de fond des problèmes régionaux. Cette démonstration de puissance russe entraîne dans son sillage le renforcement de ses alliances et partenariats, à commencer avec l’Arménie et l’Iran, deux Etats proches de Moscou.
Deux hypothèses se complètent et peuvent en cas de réalisation changer la donne régionale et transformer l’évolution du Caucase du Sud mais aussi la carte énergétique mondiale, avec un effet sur la sécurité et la paix dans le monde.
Hypothèse 1 : un rapprochement entre la Russie, l’Azerbaïdjan et l’Iran. L’Azerbaïdjan n’a qu’une ambition : devenir un territoire de transit en hydrocarbures car elle se sent fragile en termes de volume des réserves prouvées. La route caspienne est fermée : la Russie empêche tout projet transcaspien et l’impasse sur le statut de la mer Caspienne interdit tout plan de développement régional. Bakou n’a qu’un choix se tourner vers la Russie et l’Iran.
L’Iran cherche à écouler ses hydrocarbures en direction du nord, par le Caucase. Pris en tenaille à l’ouest (Irak) et à l’est (Afghanistan), Téhéran voit dans la porte de secours du Caucase le moyen le plus rapide de gagner les marchés européens pour acheminer son pétrole et son gaz. La route azérie lui permettrait également de « tenir » ce voisin du nord dont l’excès de puissance peut se révéler un handicap pour l’intégrité de l’Iran (question du Haut-Karabakh et question de la minorité azérie en Iran, de 14 à 17 millions de personnes).
Quant à la Russie, elle est favorable à tous les projets qui transitent par son territoire. Ainsi, Russes, Azéris et Iraniens auraient un intérêt commun à sceller des partenariats énergétiques le long de la Caspienne jusqu’à la mer Noire et l’Europe dans son ensemble. Il existe déjà un projet - aujourd’hui finalisé - de construction d’une ligne de chemin de fer reliant les trois Etats. Pourquoi pas des pipelines…
Hypothèse 2 : un rapprochement entre la Turquie, la Russie et son allié arménien et l’Iran. Peu ont vu dans le rapprochement arméno-turc une volonté russe de s’investir dans la normalisation entre ces deux Etats ennemis et la réouverture d’une frontière qui pour l’instant n’intéressait qu’Européens et Américains. Depuis un an, la Russie suit de très près cette affaire. Elle a poussé le président arménien, Serge Sarkissian à lancer, fin juin 2008, à partir de Moscou, l’invitation adressée à son homologue turc, Abdullah Gül, de venir assister au match de football Arménie-Turquie, à Erevan, le 6 septembre dernier. La rencontre a eu lieu : Abdullah Gül est resté six heures à Erevan.
La Turquie entretient d’excellentes relations économiques et énergétiques avec la Russie et l’Iran (récente visite du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad à Ankara). Ankara accentue sa diplomatie d’autonomisation à l’égard des Etats-Unis et marque sa différence avec ses alliés américains et israéliens dans la région. Elle prouve aussi que la paix régionale passe par chez elle : conflit israélo-palestinien, tension syro-israélienne, rapprochement avec l’Iran, rencontre Gül-Sarkissian à Erevan, une deuxième entrevue est prévue à New York, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU fin septembre, proposition d’une plateforme pour la stabilité et la sécurité dans le Caucase du Sud. Sans oublier que débloquer la situation avec l’Arménie renforce le poids de la Turquie à Bruxelles dans le cadre des négociations d’intégration. Bref, le rapprochement entre la Turquie et l’Arménie d’un côté, puis les bonnes relations entre l’Arménie et l’Iran ou encore la Russie, l’Arménie et l’Iran de l’autre peuvent déboucher sur des projets communs via Erevan et Ankara. Les Russes ayant le monopole du parc énergétique arménien et étant le principal client d’Erevan, l’économie et la diplomatie de l’Arménie sont totalement dominées par la Russie. Autrement dit, l’Arménie consolide son statut de poste avancé de la Russie dans la région.
Si ces deux hypothèses venaient à se renforcer dans les mois ou années qui viennent, tous les acteurs locaux seraient gagnants sauf la Géorgie et les Etats-Unis, les grands perdants dans la guerre des Cinq jours. La Russie renforcerait de façon irréversible ses liens avec l’Iran dans le Caucase du Sud mais aussi avec la Turquie. L’Arménie deviendrait un territoire de transit sous contrôle russe. Idem pour la Turquie, nouvelle plaque tournante énergétique mondiale. D’où peut-être une réelle et concrète bonne raison de poursuivre le dialogue avec l’Arménie entamé le 6 septembre, sans mettre l’accent sur le passé (génocide) et la question du Haut-Karabakh. L’Azerbaïdjan serait également satisfaite de son rang de territoire de transit. Quant à l’Iran, elle verrait ses hydrocarbures gagner l’Europe et pourrait obtenir de la Russie le gel de nouvelles sanctions au Conseil de sécurité de l’ONU en rapport avec son programme nucléaire. L’Union européenne, justement, pourrait à terme bénéficier de la livraison de pétrole et gaz iraniens, manière de diversifier ses approvisionnements en hydrocarbures. Bruxelles pourrait également renforcer sa présence en Turquie en apportant sa contribution au déblocage des relations entre l’Arménie et la Turquie.
Reste la question du Haut-Karabakh… Pour l’instant, rien n’a changé. Place d’abord au renforcement des projets économiques et peu à peu, graduellement peut-être, la feuille de route de la paix entre Arméniens et Azéris pourrait s’appliquer.