vendredi 8 août 2008

Drôle de guerre en Ossétie du Sud…

Premier test pour le président russe Dimitri Medvedev… La guerre en Ossétie du Sud est le pire des scénarios que pouvaient vivre Ossètes, Géorgiens et Russes. S’agit-il d’une nouvelle guerre du Caucase du Sud ou prépare-t-elle le terrain à la paix ? L’enjeu ? L’entrée de la Géorgie dans l’OTAN et plus largement, le contrôle du Caucase du Sud, passage obligé des pipelines et du redressement ou non de la puissance russe…

Si tu veux la paix, prépare la guerre… Russes et Géorgiens ont respecté ce vieil adage inversé dans la guerre qui les oppose en Ossétie du Sud. Après l’échec géorgien au sommet de l’OTAN à Bucarest au printemps dernier, en vue de signer un Membership Plan Action (MPA), dernière étape avant de rejoindre l’OTAN, un nouveau rendez-vous avait été donné à Tbilissi et Kiev pour le signer en décembre 2008, malgré l’hostilité de la Russie opposée à l’élargissement de l’Alliance sur sa périphérie. Le compte à rebours entre Russes et Géorgiens était donc lancé… Tout faire pour signer un MPA, tel est l’objectif de la Géorgie et de l’Ukraine. Tout faire pour l’en empêcher, est la réponse de la Russie.

Monnaie d’échange

Dans ce rapport de force, plutôt favorable à la Russie, la Géorgie, invitée par les Européens à manifester sa bonne volonté et tenter d’apaiser la situation, cherche à se placer dans la position la moins inconfortable avant de s’asseoir à la table des négociations. Pour la Russie, c’est l’inverse : se placer dans la position la plus confortable pour entamer les prochains pourparlers. Réouvertures des lignes aériennes, terrestres et maritimes entre les deux pays, levée de l’embargo sur les vins géorgiens par la Russie, retour des deux ambassadeurs dans chaque pays respectif, négociations directes entre les deux présidents et déclarations conciliantes en faveur de la paix en Abkhazie et en Ossétie du Sud et affirmation en vue de normaliser les relations bilatérales, les conditions d’une reconciliation commençaient à se réunir. Tbilissi veut éviter la guerre pour signer son MPA. Moscou veut éviter le scénario de Pékin 2008 pour bien préparer les JO d’Hiver de Sotchi en 2014, aux pieds du Caucase et de l’Abkhazie. Tout devait donc être entrepris pour éviter la guerre…

Ces bonnes intentions entre les deux parties, surtout depuis leur convergence sur le refus de l’indépendance des zones rebelles du Caucase du Sud, pour justement éviter le précédent du Kosovo, comprend également son lot de provocations. Et à ce jeu, la Russie a utilisé Abkhazes et Ossètes pour déstabiliser les Géorgiens. Tbilissi, dont l’image s’est ternie depuis l’état d’urgence en novembre 2007 et les élections générales entachées d’irrégularités en 2008, a contre-attaqué les pouvoirs rebelles - et non Moscou - pour justifier son urgence de signer un MPA.

Devenus une monnaie d’échange dans ce jeu de rôle entre Russie et Géorgie, Abkhazes et Ossètes multiplient les déclarations radicales pour éviter tout compromis sur leur dos entre Moscou et Tbilissi. Edouard Kokoïty à Tskhinvali (Ossétie du Sud) et Sergeï Bagapch à Soukhoumi (Abkhazie) ont rejeté la moindre proposition de règlement émanant de Tbilissi, alors que Moscou était plutôt ouverte aux propositions du président géorgien, Mikheïl Saakachvili.

A ce jour, plusieurs points restent donc à éclaircir. La guerre en Ossétie du Sud constitue un premier test pour le président russe, Dimitri Medvedev, élu en mars 2008. Certaines sources considèrent que la crise ossète pourrait lui offrir l’occasion de tenir le bras militaire russe et d’imposer sa vision des choses après les 8 années de pouvoir de Vladimir Poutine. Après avoir perdu dans le choix du successeur de Poutine – Sergeï Ivanov, l’ancien ministre de la défense, était le candidat des généraux – les militaires ont subi un nouvel affront avec le limogeage du chef d’état-major et celui de plusieurs généraux. Vladimir Poutine – actuellement à Pékin pour la cérémonie des JO – va-t-il profiter de cette crise ossète pour s’éloigner du nouveau maître du Kremlin et lancer un processus de reprise du pouvoir dans la capitale ? Tbilissi pratique-t-elle la surenchère en escomptant une fissure dans l’exécutif russe ?

De son côté, la Géorgie a tout intérêt à écraser le plus rapidement possible la résistance ossète et prendre le maximum de territoires dans la province avant d’accepter l’idée d’un cessez-le-feu durable. Si dans les quelques jours, l’armée géorgienne ne parvient pas à maintenir son contrôle du chef lieu, les difficultés commenceront pour elle et le régime pro-américain à Tbilissi. Des volontaires russes, ossètes, tchétchènes et cosaques arrivent en renforts en Ossétie du Sud. Soutenues par l’armée russe, les forces ossètes – environ 3000 hommes bien armés – peuvent également compter sur la clause d’assistance mutuelle qui lie l’Ossétie du Sud à l’Abkhazie en cas d’agression d’un pays tiers.

Et c’est là que l’image de la drôle de guerre intervient une nouvelle fois : si les Abkhazes apportent leur soutien conformément à leur alliance avec les Ossètes, cela revient à affirmer que la Russie a donné son feu vert et n’accepte pas le fait accompli ou la tactique à la Krajina des Géorgiens dans l’enclave ossète. Si les Abkhazes restent en dehors du conflit ossète, on peut sans prendre de grands risques se dire que Moscou a refusé l’ouverture d’un deuxième front en Géorgie et donc légitimement affirmer que cette retenue orchestrée à Moscou accrédite l’idée d’un opération en Ossétie du Sud planifiée depuis quelques temps. Et si certains milieux russes pro-Medvedev avaient choisi de sacrifier l’Ossétie du Sud pour mieux soutenir l’Abkhazie ? Difficile d’y répondre, tant il est inimaginable de croire que l’armée russe, forte de 90 000 hommes dans le Caucase du Nord et d’un contingent de 1 500 soldats en Ossétie du Sud, n’a pas les moyens de s’informer de la moindre concentration de troupes militaires géorgiennes à ses portes… D’autant que les populations civiles ossètes sont devenues majoritairement des citoyens russes. La balle est dans le camp ossète. Si les résistants contiennent l’offensive des Géorgiens et réoccupent le terrain perdu, avec ou sans l’aide de la Russie, la guerre risque de s’enliser.

Y a-t-il un risque de contagion régionale ? Pas sûr. Car même si d’autres acteurs, comme l’Arménie et l’Azerbaïdjan, portent avec inquiétude leur regard sur Tskhinvali, aucun des deux n’a intérêt à relancer le conflit pour le contrôle du Haut-Karabakh, théâtre d’une guerre entre 1990 et 1994 remportée par Erevan et Stépanakert. Bakou, qui organise son élection présidentielle le 15 octobre prochain et qui devrait voir Ilham Aliev, le président actuel, se maintenir au pouvoir, a signé un partenariat stratégique avec Moscou lors de la première visite du président Medvedev en Azerbaïdjan. Erevan, occupé par le maintien de la paix dans la province du Haut-Karabakh et celui de la paix intérieure après l’élection controversée de Serge Sarkissian à la tête de l’Etat en février 2008, veut afficher sa bonne volonté dans le cadre des négociations sous l’égide du groupe de Minsk de l’OSCE. Le nouveau pouvoir a affirmé par la voix de son ministre des affaires étrangères que le processus de paix était constructif et qu’elle défendait l’idée d’un retrait des territoires azéris sous son contrôle. Le président arménien a également tendu la main à son homologue turc en l’appelant à tourner la page du passé. Il l’a invité à assister au match de football qui oppose les deux pays, le 6 septembre 2008, lors des éliminatoires de la coupe du monde 2010. Abdullah Gül n’a pas encore donné sa réponse. Il doit se rendre à Bakou la veille de la rencontre pour participer au sommet des pays turcophones. Rappelons que la Russie a encouragé l’Arménie à chercher à normaliser ses relations avec la Turquie, partenaire économique et énergétique de premier plan des Russes. Ce qui conforte l’idée d’une nouvelle donne, d’une nouvelle stratégie de pénétration de la Russie sur son glacis. Reste à savoir si Poutine et Medvedev ont la même lecture de la crise ossète et celles à venir…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour, journaliste à ELLE, j'aimerais vous contacter à propos de l'Ossétie du Sud. Merci de revenir vers moi si vous avez ce message (06 62 22 23 62)