Nabucco sera-t-il le gazoduc de la paix de l'Asie centrale aux Balkans ? C'est le souhait de certains Européens qui pensent qu'en dépit de son coût, de son tracé et de ses ressources, le projet pharaonique peut apporter la paix.
Mais de quoi s'agit-il au juste ?
La légende dit que les principaux instigateurs de ce projet auraient donné le nom de « Nabucco » à leur futur pipeline en sortant d'une représentation de l'opéra de Verdi, « Nabuchodonosor ». Il ne s'agit donc pas d'une création artistique, mais bien d'un gazoduc reliant l'Asie centrale à l'Europe. L'Union européenne a validé le projet au milieu des années 2000 dans le cadre de sa politique de sécurité énergétique. Pour la première fois, l'Union européenne s'est ouvertement investi dans ce projet lors de la conférence de Budapest, les 26 et 27 janvier 2009, peu après la guerre du gaz entre l'Ukraine et la Russie.
Pourquoi Nabucco ?
Pour les Européens, il s'agit essentiellement de diversifier leurs approvisionnements en sortant d'une dépendance énergétique à l'égard de la Russie. Il est également question d'éviter d'être pris en otage par les Russes et les Ukrainiens. L'argument est défendu avec plus de détermination parmi les nouveaux entrants dans l'UE (Hongrie, République Tchèque, Slovaquie, Roumanie et Bulgarie) directement touchés par la guerre du gaz entre Kiev et Moscou. Pour les autres Etats non-européens, comme la Turquie, les pays du Caucase et ceux d'Asie centrale, il s'agit de participer à la redéfinition de la carte énergétique mondiale, de développer leur économie avec des clients européens solvables, de gagner leur place dans les processus multilatéraux, d'accréditer une candidature à l'UE ou tout simplement de proposer une alternative aux routes russes.
Enfin, d'autres pays proche-orientaux sont intéressés par le projet : l'Iran, l'Irak et l'Egypte. Il s'agit essentiellement de désenclaver leur économie, d'asseoir leur position internationale et de développer leur secteur énergétique en direction des marchés européens.
Qui se charge de Nabucco ?
Deux initiatives ont récemment été prises : Le Caspian Development Corporation créé par la Commission européenne et le Caspian Energy Company ou membres du consortium de Nabucco composé d'OMV (Autriche), RWE (Allemagne), MOL (Hongrie), Transgaz (Roumanie), Bulgargaz (Bulgarie), BOTAS (Turquie).
Quel est son tracé ?
Il s'étendrait de l'Asie centrale à l'Autriche via l'Azerbaïdjan, la Géorgie, la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie. Seul le tronçon reliant Bakou à Erzeroum est construit. Il s'agit du gazoduc BTE. Il manque encore les raccordements à l'Asie centrale et la construction du pipeline reliant la Turquie à l'Autriche.
Ce tracé pose-t-il un problème ?
Pas un mais quatre problèmes majeurs :
le statut de la Caspienne n'est pas déterminé : est-ce une mer ou un lac ? La Russie et l'Iran s'opposent à l'Azerbaïdjan, le Turkménistan et le Kazakhstan. La Russie bloque tout projet transcaspien car elle ne veut pas voir les richesses d'Asie centrale contourner son territoire. L'Azerbaïdjan, lui, a une ambition : devenir un territoire transit pour sauver son indépendance et son rythme de croissance (25% par an jusqu'en 2008). Si Bakou échoue, son avenir sera plus qu'incertain. Sa production de pétrole va commencer à baisser à partir de 2012-2013 et le gaz est censé prendre le relais pour son développement. Or, le gisement de Shah Deniz, qui est à la source off-shore de Nabucco, ne contient pas assez de réserves de gaz pour alimenter ce projet pharaonique. Récemment, Gazprom a proposé à Bakou de racheter l'ensemble des réserves de gaz à des prix internationaux (soit environ 450 dollars la tonne de m3). Bakou n'a toujours pas répondu. Si l'Azerbaidjan répond favorablement, Nabucco est très compromis.
Le BTE est une garantie. Il existe. Mais la guerre des Cinq jours entre la Russie et la Géorgie a affaibli la route géorgienne. La Russie est parvenue à démonétiser la Géorgie. Le facteur risque-Etat de Tbilissi a augmenté. L'Azerbaïdjan a perdu 1 milliard de dollars lors de la guerre des Cinq jours. Peut-il prendre le risque de perdre des devises en cas de nouvelle tension entre la Géorgie et la Russie ? Vraisemblablement, non, Bakou et les Européens s'interrogent sur une route alternative : l'Arménie.
Mais là, deux autres problèmes surgissent : la crise du Haut-Karabakh et la fermeture de la frontière entre l'Arménie et la Turquie. Pour l'heure, les choses n'ont pas bougé. Les relations turco-arménienne sont en cours de dépoussiérage. Turcs et Arméniens multiplient les déclarations de bonnes intentions, la normalisation est à l'agenda. Mais elle coûte chère côté arménien : faudra-t-il renoncer à la reconnaissance du génocide des Arméniens ? Faudra-t-il renoncer à la réunification avec le Haut-Karabakh ? Bakou et Erevan ont signé un accord le 2 novembre 2008 sous l'égide de la Russie dans le cadre du respect du processus de Madrid et au nom d'un règlement pacifique de la crise du Haut-Karabakh. Depuis, plus rien. La dernière rencontre à Davos en janvier 2009 entre Sarkissian et Aliev n'a rien donné. Mais de bons espoirs se lisent de chaque côté pour que la frontière se rouvre dans quelques mois.
Enfin, quatrième problème, l'Iran et son programme nucléaire iranien. Tant que les relations avec l'Occident sont bloquées, l'Iran ne pourra prétendre jouer un rôle dans Nabucco. Mais en cas de règlement avec Américains et Européens, la route iranienne peut être envisagée comme alternative à la route asiatique.
1 commentaire:
On n'est pas près de voir les Iraniens su ce dossier!
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